Chaque année, c'est la même chose : dès que le soleil se pointe, le label hiberne durant plusieurs mois, pour redémarrer de plus belle en automne. J'ai toujours avancé à deux vitesses, toute accaparée que je suis par mon travail durant les beaux jours et, même si celui-ci me permet notamment de venir à votre rencontre sur de nombreux salons afin d'y faire connaître mon univers, il ne me laisse que peu de temps pour plancher sur les prochains livres à paraître. Il n'y a que lorsque la saison des marchés (et tout le boulot colossal qui va avec) se calme, que je peux enfin me poser à nouveau à mon bureau et me retrouver en tête à tête avec mes bouquins. Pour preuve, les deux dernières publications, l'Oracle d'Ishsaar et BEATS, ont été finalisées en hiver 2016 et 2017. Est-ce que ça veut dire que quelque chose se profile pour 2018 ? Peut-être. À croire, en tout cas, que je suis une auteure à temps partiel — breaking news : en fait, c'est le cas —.
Ca a évidemment un sacré côté frustrant, parce qu'en attendant, là, dans ma tête, ça continue à cogiter, à s'agiter et à cogner à la porte. Ils vont la défoncer, si ça continue, et je me force à y mettre des cadenas si je ne veux pas me noyer et que l'obsession devienne une contrainte. Mais l'essentiel dans tout ça, je crois, est de trouver le juste équilibre, d'honorer ce mantra et cette promesse faite il y a plus d'un an, celle de ne jamais abandonner. JA. MAIS. S'il faut pour cela que je n'écrive que 4 mois par an et que le label soit en hiatus le reste du temps, alors soit. S'il faut que mes livres mettent 15 ans à être terminés, d'accord. Mais une chose est sûre : ils ne mourront pas.
Au final, ces mois d'inactivité ne sont pas inintéressants, parce qu'ils me permettent de faire le point, de trier mes idées, d'en faire mûrir d'autres. Cette année, j'ai beaucoup réfléchi au chemin parcouru, à la manière dont je pense l'édition et aux moyens mis en oeuvre pour Blind Symphonia, mais aussi à tous les projets que je prévoyais pour l'avenir du label. Il y eu des phases d'euphorie, d'autres de frustration intense, des gros découragements, aussi, parfois. Mais, surtout, il y a eu ces échanges, ces petits mots que vous m'envoyez de temps en temps, et ces demandes d'inconnus qui cherchent à savoir quand le prochain livre sera publié. Il y a eu ce DJ qui a acheté BEATS sur un marché, ces lettres, écrites sur un coin de table, ces échanges sur la conception d'Ishsaar... Tout ça, c'est le fuel qui me fait avancer et qui m'aide à tenir ma promesse même si, comme toujours, je n'ai pas autant de temps que je le voudrais pour que mes projets s'envolent. Dans une autre vie, je pourrais me consacrer à 100% à Blind Symphonia et mettre en application tout le planning que j'ai en tête. Je pourrais donner leur chance à mes livres, leur faire la place qu'ils méritent mais... On n'a qu'une vie, elle est ce qu'elle est, et je préfère mille fois avancer à mon rythme, quitte à ce que ma place soit minuscule ou que je rate des opportunités à cause de ça, plutôt que de tout abandonner.
Et vous savez quoi ? Ça tombe bien, là, c'est l'automne.
Ça veut dire qu'il est temps de relancer la machine et de souffler sur la poussière. Ça veut dire que tout ce qui a été mis en pause trop longtemps va redémarrer de plus belle. Hier, j'ai ressorti ma tablette pour la première fois depuis des mois — depuis tellement de mois que je n'étais même pas sûre qu'elle soit encore compatible avec mon nouvel ordinateur, acheté il y a... hum... un an et demi — et j'ai commencé un sketch. Je suis rouillée, j'ai l'impression de ne plus savoir tenir un stylet, j'ai l'impression que mes traits manquent de précision, que mon dessin ne ressemble à rien. Idem lorsque je reprends Moontribe là où je l'avais laissé. Je dois me réapproprier l'univers, refaire connaissance avec mes propres personnages, redécouvrir mon histoire. Les mots ont du mal à sortir, ils se bousculent, se marchent dessus, et à peine la moitié d'entre eux atterrit sur le papier sans se crasher en route.
Mais ça va venir. Ça revient toujours. Et je ne suis pas mécontente de retrouver tout ce petit monde.
La question, maintenant, c'est : me suivrez-vous ?