En 2017, alors que je peinais déjà à trouver le temps de bosser sur le Liber ex Pandora, le recueil de nouvelles sur l’univers de Pandora Project, je mettais le projet en pause pour publier BEATS sur un coup de tête, en réponse à la disparition d'un artiste qui m'était — et qui m'est toujours — très cher. BEATS, c’est le genre de projet qui vous tombe sur le coin du bec d’un coup, que vous avez besoin d’écrire, comme une nécessité. C'était l'un de mes projets les plus personnels, un cri du cœur pour exprimer tout mon amour pour la musique et pour ce qu'elle représente pour moi. C’était aussi, et surtout, un hommage. J'en avais d’ailleurs parlé de long en large et en travers sur le blog, à l'époque. C'était une histoire courte, certes, mais sortie de mes tripes, dont j'étais vraiment fière, que je mourrais d'envie de raconter, de partager, de transmettre, parce qu'elle était importante à mes yeux.
Et ça a été un foirage monumental.
Sarah Andersen, ou l'art de mettre le doigt là où ça fait mal | Ça arrive, c'est comme ça. On ne réussit pas à chaque fois, et c'est aussi ce qui permet d'évoluer et d'avancer, mais ça n'en est pas moins décevant. BEATS a foiré, donc. Il n'a pas su trouver son public, ou très peu, malgré les bonnes critiques des services presse. Je ne vous cache pas que ça a été compliqué à encaisser, compte tenu du caractère personnel du bazar, mais ça aurait pu aller, si les choses ne s’étaient pas enchaînées ensuite. Quelques semaines plus tard, mon hébergeur web m'a informée que je devrais très rapidement effectuer une grosse maintenance sur la boutique, sans quoi celle-ci serait supprimée. Pour ça, il m’aurait fallu remonter un nouveau shop de A à Z, ce qui demande un temps considérable… Temps que je n'avais pas, occupée sur d'autres fronts, professionnels notamment. Blind Symphonia n’étant pas ma source de revenus principale, il a fallu prioriser les tâches, et le shop est passé à la trappe. Pouf, disparu, et avec lui la source de diffusion de mes livres. |
Ma motivation, qui commençait déjà sérieusement à s'étioler en même temps que le peu de temps qu'il me restait à consacrer au label, s'est pris un bon gros coup derrière la nuque avec la suppression de la boutique. Plus je sacrifiais Blind Symphonia, plus je me décourageais. Sans compter les réseaux sociaux à la visibilité déclinante et les comportements déplacés de certaines personnes sur les salons ou sur le net — le respect, c'est parfois en option, visiblement. J'ai d'ailleurs commencé à collectionner les perles sur mes réseaux sociaux, et il y a de quoi en faire tout un collier.
De fil en aiguille, j'ai fini par perdre l'envie d'exposer mes livres et encore plus d'en parler, peu encline à alpaguer les visiteurs comme sur un étal de poisson pour qu'ils daignent s'intéresser à mes histoires parmi des centaines d'autres. J'en suis même venue à détester Pandora, bêtement parce que le roman se vendait toujours sur les salons malgré une absence totale de com' tandis que BEATS, exposé juste à côté, rencontrait l'indifférence la plus totale. Peut-être même que j'ai fini par détester BEATS, en fin de compte. Un comble. Bref : de moins en moins de temps à consacrer au label, une boutique à refaire, une publication ratée, une perte de visibilité, une motivation en berne et des remarques déplacées… À quoi bon, finalement ? C'est un état d'esprit qui ne me ressemblait pas, moi la battante qui n'abandonnait jamais, la têtue, la fière enragée de l’auto-édition… Mais tout ça mis bout à bout — couplé à une bonne grosse fatigue générale — a fait que Blind Symphonia, ce projet que j’avais tant chéri, m'a menée au bout du rouleau. | Il était pourtant plein de bons arguments, ce bouquin. |
L’auto-édition est une merveilleuse aventure. Vraiment. On y apprend énormément de choses et on en ressort grandi et plus fort. Si c’était à refaire, dans une autre vie, je le referais certainement avec le même enthousiasme. Mais ce genre de projet ne fonctionne que si la personne qui le pousse en avant a l’énergie et les moyens de le faire. Or, cette énergie était en train de disparaître et maintenir à flot ce qu’il restait du projet était en train de bouffer mes dernières forces. Mais, surtout, tout ça a mis en lumière quelque chose de bien plus gros : l'envie de poursuivre l'aventure ou non. Même si j'adore mon univers et qu'il me reste encore plein de choses à raconter, j'ai toujours eu un credo en ce qui concerne mes activités créatives, qu'elles soient professionnelles ou non : si l'une d'elle devenait un jour une contrainte davantage qu'un plaisir, c'est qu'il serait temps de raccrocher. C'était clairement ce que Blind Symphonia était en train de devenir. Alors pour mettre fin à cet épuisement qui me bouffait de l'intérieur, et avant que l’envie me prenne de mettre le feu à mon stock restant de bouquins, j'ai mis le label en pause.
Stop. On arrête tout.
C’était une belle aventure, vraiment. Il y a eu des moments magiques dont je me rappellerai toute ma vie. Il y a eu de l’euphorie, de l’excitation, de jolies rencontres, des fou-rires, des échanges, des découvertes. Il y a eu beaucoup, beaucoup, de travail amassé, des projets, achevés ou non, de la fierté, aussi. Mais la vie change, les priorités également et, parfois, il y a des sacrifices à faire, qu'on le veuille ou non. Et tant pis pour le Liber eX Pandora qui attendait toujours sur le feu.
Est ce que ça a fonctionné ?
Spoiler : Non.
Ça a même empiré. Depuis l'annonce du hiatus, Blind Symphonia n'a été qu'un enchevêtrement d'émotions compliquées qui tournaient en tâche de fond : tristesse, déception, amertume, frustration, colère, regrets. Exactement le contraire de ce que cette pause était censée m’apporter. Niveau lâcher prise, on repassera. Chaque jour, je passais devant ces étagères remplies de livres et de goodies invendus qui prenaient la poussière, et ça me minait encore plus.
Au bout de 4 ans à ressasser dans mon coin, j’ai fini par comprendre que ce n’était pas d’une pause dont j’avais besoin. C’était d’une fin. Une vraie fin, propre, définitive. Sauf qu'à cette fin, je n'y étais pas encore, et ce pour trois raisons : la première, c’est qu’on ne peut pas considérer quelque chose comme terminé, lorsque vos étagères croulent encore sous le poids de ce que vous essayez de laisser derrière vous. Je ne vous cache pas que, plus d’une fois, j’ai eu envie de mettre tout ça au pilon ou de démarrer ma cheminée avec. Il me reste bon nombre d'exemplaires : avant la pause, je venais tout juste de faire réimprimer 600 exemplaires de Pandora Project. La bonne idée ! La seconde raison, c’est que le Liber eX Pandora et notamment la novella Moontribe, attendait toujours, inachevé au fond de mon ordinateur. Et ça, je peux vous dire que c’est ultra frustrant quand on est une cabocharde entêtée comme moi. Je déteste laisser les choses en suspens. Enfin, la troisième, c’est que finir sur un échec, quand même, c’est tout pourri.
Pendant 4 ans, finalement, j'ai planqué Blind Symphonia sous le tapis, j'ai fait comme s'il n'existait ̶p̶l̶u̶s̶ pas, mais je n'ai pas cessé de créer pour autant. J’ai repris le dessin, me suis essayée à la sculpture ou encore à la fabrication de props. Je me suis détachée de mon propre univers pour en apprivoiser d'autres — parce que je suis une irrécupérable groupie, et parce que ça me faisait du bien.
À la disparition de Chester, je m'étais juré de ne jamais abandonner la création. Parce que créer, c’est se sentir vivant, c’est être vivant. Cette promesse, c’était un peu la force qui me poussait en avant, qui m’empêchait de sombrer lorsque, au dehors, la tempête faisait rage. Ça a marché, pendant un temps. Ça m'a sortie du burn out qui me détruisait, parce que je créais désormais sans prise de tête, sans aucune attente ni obligation de résultat, simplement par plaisir. Mais c’est aussi devenu ma prison — une prison que je me suis imposée à moi-même, on ne va pas se mentir, parce que, eh, il parait qu'on est jamais mieux servi que par soi-même. Au final, il planait toujours au-dessus de moi l’impression que j’avais arrêté Blind Symphonia et le Liber eX pour de mauvaises raisons, que j’avais bêtement mis une décennie de travail au placard au premier obstacle venu — en soi, ce n'est pas totalement faux, même si ça n'était qu'une seule raison parmi d'autres. Par-dessus tout, j’avais la sensation d’avoir abandonné et d’avoir laissé derrière moi quelque chose d’inachevé. Et c’est quand même un sacré gâchis.
Je n’aime pas la façon dont j’ai laissé les ombres engloutir tout cru ce projet. Quand bien même, ce hiatus a été salvateur et nécessaire pour comprendre qu'il était temps de passer à autre chose, que je ne reviendrai pas de façon définitive mais qu’il me restait cependant encore quelque chose à accomplir. Pour comprendre, aussi, que j’étais capable de me relever. La façon dont on vit une expérience ne dépend que de soi, après tout. Je sais très bien que je ne pourrai plus écrire comme autrefois et, de toute façon, je ne suis pas certaine de le vouloir encore. Les temps changent, ainsi que je le disais. C’est comme ça. On fait avec, on grandit, on s’adapte, on évolue, qu'on le veuille ou non, alors autant nager dans le sens du courant. Je suis reconnaissante du temps que j’ai pu passer à forger cet univers et à le transmettre. Celui-ci laissera une trace indélébile en moi — et je ne parle pas uniquement de mes deux tatouages en son honneur — et s’il a pu toucher ne serait-ce qu’un seul d’entre vous, alors, il valait la peine d'être couché sur papier. Mais il faut parfois savoir tourner la page, et ça, je tiens à le faire proprement.
Il m'a fallu 4 ans pour comprendre que si je voulais vraiment me libérer de ce labyrinthe d'émotions et clore définitivement ce chapitre, il fallait que je termine ce qui avait été commencé. Il n'y aura que comme ça que je serai capable de sortir ce monde de ma tête, de faire mes adieux à cet univers que j’aime malgré tout d’un amour profond, avec la certitude d'avoir fait ce qu'il fallait, d'avoir respecté mes engagements et mon propre projet, d'avoir mis fin à tout ça de façon convenable...
… Et d'avoir honoré cette fichue promesse.
Il est donc temps de reprendre là où je m’étais arrêtée et d’offrir à Blind Symphonia une fin digne de ce nom, en vous laissant la possibilité d'en profiter, vous aussi, si vous êtes toujours dans le coin. J’ai décidé d’achever Moontribe et de relancer cette machine toute rouillée pour une ultime publication. Ces dernières semaines, j’ai bossé dessus dans l’ombre, dès que je le pouvais, même si les conditions n’étaient pas idéales. Écrire sur un coin de table, ça n’a jamais été mon truc. J’ai toujours eu besoin de temps, de calme, de m’enfermer dans ma bulle des heures durant pour bien m’imprégner de ces mots que je couchais sur papier et ça, malheureusement, ce n’est plus possible. Tant pis, j’ai fait sans, ce n’était pas si grave, sachant que ce serait la dernière fois. Ça a été bien galère, donc, mais, mine de rien, ça m’a fait du bien de retrouver Sasha et de refaire connaissance avec Graham et Mara, deux nouveaux protagonistes que vous découvrirez bientôt. Ça faisait 4 ans que je n’avais plus touché à ce texte, que je bloquais dessus. Je me suis replongée dedans corps et âme pour y mettre le point final et c’est un peu comme si j’avais redécouvert mon propre univers et redécouvert ce qui faisait que, là, en dedans, j’étais moi. C’était compliqué, presque douloureux, mais ça m’a fait plaisir de me remettre au charbon une dernière fois. Je n’ai aucune idée de ce que vaut le résultat, mais, au moins, il y en a un.
Je vous parlerai bien sûr du livre plus en détail plus tard mais je voulais surtout aujourd'hui vous raconter pourquoi ces 4 ans de silence et ce qu'il va se passer par ici dans les semaines à venir. Concrètement, je suis en train d'étudier les différentes possibilités qui me permettraient de remonter une boutique temporaire de la façon la plus rapide et la moins coûteuse possible. Je compte à nouveau y proposer mes livres encore en stock (Pandora Project et BEATS), à prix réduit, jusqu’à épuisement des stocks, mais je ne ferai pas de réimpression de ceux déjà épuisés (il n'y aura plus d’oracle d’Ishsaar, par exemple). Le but étant de vider mes stocks et de tourner définitivement la page, il y a de fortes chances pour que vous vous retrouviez pourri gâtés de petits cadeaux si vous passez commande. Je rajouterai également sur la boutique les derniers goodies qu'il me reste, là encore à prix réduits : cartes postales, marque-pages, badges, bijoux, porte-clés, magnets, mugs, vêtements, tote bags, toujours jusqu'à épuisement des stocks.
Concernant le Liber eX Pandora, il sera fort probable que celui-ci ne soit disponible qu’en précommande. Je n'ai aucune envie de m'encombrer de nouveaux stocks de livres qui vont prendre la poussière dans mes placards — de toute façon, il n’y a plus de place ! —, puisqu'au contraire, mon but est de vider ces derniers pour pouvoir tourner la page. J'aurais pu me contenter d'en terminer la rédaction et de balancer la novella sur le net, mais je souhaitais vous offrir la possibilité de lire cette dernière histoire en format papier si vous le souhaitez et je voulais terminer l'aventure en beauté, parce que, quand même, éditer des livres, c'est mon kiff. Pour info, Moontribe ne sera pas disponible en ligne, en dehors des quelques extraits qui s'y trouvent déjà et je ne pense pas que je proposerai de version numérique non plus. J'aurai sans doute à ma disposition une poignée d’exemplaires en plus à l'issue des précommandes, parce que mon imprimeur m’en envoie généralement plus que prévu, mais c’est tout.
Je me laisse environ 1 an pour me séparer des derniers stocks et faire quelques ultimes expos avec Blind Symphonia : je serai par exemple au Japan Tours Festival en Juillet et à la Necronomi'con de Belfort en Mai. Ensuite, le stock restant sera recyclé, l'aventure prendra fin pour de bon et je retournerai groupiser sous d'autres latitudes.
J'espère de tout cœur que vous embarquerez avec moi pour cette dernière ligne droite ! Je vais progressivement redevenir plus active sur les réseaux sociaux (Facebook - Twitter - Instagram), afin de vous tenir informés de l'avancement du projet, du lancement de la nouvelle boutique et de la suite des événements. Pour ceux qui sont arrivés au bout de ce laïus, cœurs sur vous ! Merci d'être toujours présents malgré tout ce temps, ça compte énormément pour moi ! N'hésitez pas à laisser un petit mot en commentaire, afin que je n'ai pas l'impression d'avoir parlé toute seule XD
Et à très vite pour la suite !
(oui, c'était un pavé. En même temps, je vous avais prévenus.)